Emmanuel Netter a présenté au CEPRISCA les conclusions de sa thèse, Les garanties indemnitaires, soutenue le 17 mai 2010 à l’Université de Strasbourg. Cet ouvrage a été récompensé par le prix de thèse de la Faculté de droit de Strasbourg, et paraîtra au mois de mars 2014 aux éditions des Presses Universitaires d’Aix-Marseille (PUAM). Le support visuel utilisé pour cette présentation peut être consulté ci-dessous (il est conseillé d’utiliser le mode « plein écran »).
Résumé de l’ouvrage :
Le cautionnement fut longtemps l’unique sûreté personnelle connue du droit français. Mais, depuis quelques décennies, il est devenu banal de souligner ses faiblesses et de proposer des solutions alternatives. L’une de ces propositions doctrinales a pour nom « garanties indemnitaires ». Elle pourrait être formulée comme suit : plutôt que de s’engager à se substituer au débiteur principal en cas d’inexécution, le garant indemnitaire contractera une obligation nouvelle, consistant à faire ou à ne pas faire quelque chose. S’il échoue, sa responsabilité contractuelle sera engagée, et il devra réparer le préjudice ainsi causé au créancier.
Les promoteurs des garanties indemnitaires présentent souvent le « porte-fort d’exécution » comme l’archétype de cette nouvelle catégorie de sûretés. L’idée est la suivante : l’article 1120 du Code civil, selon lequel on peut promettre « le fait d’un tiers », est habituellement utilisé dans le cadre de la conclusion d’un contrat sans pouvoirs, le pseudo-représentant donnant sa parole que le pseudo- représenté ratifiera ultérieurement la convention passée en son nom ; mais le fait promis pourrait être, plutôt qu’une ratification, l’exécution d’une obligation préexistante. La responsabilité contractuelle du promettant serait donc engagée du seul fait que le contrat principal n’est pas exécuté correctement.
Toutefois, on ajoute généralement que les lettres d’intention seraient elles aussi des garanties indemnitaires. Aujourd’hui consacrée à l’article 2322 du Code civil, cette figure juridique peut certes consister en une promesse, faite au bénéficiaire, qu’il obtiendra satisfaction, mais aussi en un engagement d’adopter un certain comportement, simplement susceptible d’augmenter les chances d’exécution du contrat principal : une société mère promettra par exemple de conserver une participation dans une filiale, de surveiller sa gestion, de procéder à une augmentation de capital.
L’étude révèlera que la catégorie des garanties indemnitaires ne présente, en réalité, qu’une faible homogénéité. L’engagement d’adopter un certain comportement est bel et bien une obligation de faire ou de ne pas faire, obéissant aux règles de la responsabilité contractuelle en cas d’inexécution. Mais promettre à un créancier qu’il sera satisfait, est-ce un engagement de faire ? Oui, répond-on classiquement, il consiste à « rapporter l’exécution, par le tiers, de son engagement ».
Toutefois, si l’on peut essayer de convaincre une tierce personne d’agir d’une certaine manière, on n’est jamais certain de réussir. La soi-disant obligation de faire consiste bien plutôt à endosser un risque. En France, une doctrine minoritaire l’avait déjà remarqué. L’étude du porte-fort tel qu’il est conçu en droit suisse incite à poursuivre les recherches dans cette direction. Un contrat par lequel on prend en charge le risque qui pesait auparavant sur autrui : on songe à l’assurance. L’étude des histoires respectives du cautionnement et du mécanisme assurantiel révèle une vérité parfois oubliée : la sûreté personnelle de référence est mentionnée dans l’Ancien Testament, tandis que la généralisation du contrat d’assurance, fut, en France, postérieure au Code civil. Ainsi s’explique la prise en charge maladroite du concept de risque dans un article consacré au porte-fort. On comprend également que les domaines respectifs du porte-fort appliqué au risque de crédit, et du cautionnement, soient mal définis et entrent en concurrence : la question n’avait pas été envisagée, et ne pouvait pas l’être.
À partir de cette idée, il est possible de proposer une réorganisation du paysage des sûretés personnelles françaises autour des deux principales catégories d’engagements que sont la promesse portant sur son propre comportement, et la prise en charge d’un risque créé par le comportement d’autrui. Le régime de ces garanties sera étudié en détail, avec l’appui ponctuel des solutions dégagées en droit des assurances. Enfin, plusieurs mécanismes apparaissant aujourd’hui comme sui generis pourront être rattachés aux grandes figures ainsi définies.